« Dahomey »: Bien plus qu’une simple Restitution

Le film « Dahomey » de Mati Diop, couronné par l’Ours d’or à la Berlinale 2024, marque un tournant dans le cinéma africain et dans le débat sur la restitution des œuvres d’art. En s’intéressant au destin des trésors royaux du Dahomey, pillés par les colonisateurs français et récemment restitués au Bénin, la réalisatrice offre un regard intime et poétique sur une question brûlante : comment un peuple peut-il se réapproprier son histoire et son identité après des siècles de spoliation ?

Un contexte historique : le pillage du Dahomey

Le film nous plonge dans le contexte historique de la seconde expédition du Dahomey, menée par le commandant Dodds en 1892. Cette campagne militaire aboutit à la chute du puissant royaume et au pillage systématique de son palais. Vingt-six objets royaux sont alors expédiés en France, témoignant de la richesse culturelle et artistique du Dahomey. 

La restitution : un geste symbolique et un enjeu mémoriel

La restitution de ces trésors en 2021 marque un tournant exceptionnel dans l’histoire du Bénin. Ce geste symbolique soulève cependant de nombreuses questions : comment intégrer ces œuvres dans un contexte contemporain ? Comment transmettre leur histoire aux nouvelles générations ? Mati Diop, en choisissant de filmer ce moment charnière, offre une réponse artistique et personnelle à ces interrogations.Près de trois ans plus tard, ces œuvres d’art d’une valeur inestimable sont paradoxalement invisibles au public béninois. Ont-elles réellement été restituées? Rythmgroupe.com vous explique tout ici

Mati Diop : une cinéaste engagée dans la mémoire

Fille du musicien Wasis Diop et nièce du cinéaste Djibril Diop Mambéty, Mati Diop est une artiste profondément ancrée dans les traditions cinématographiques africaines. Ses films, qu’il s’agisse de « Mille Soleils » ou d' »Atlantique », témoignent d’un engagement fort en faveur de la mémoire et de l’identité. Avec « Dahomey« , elle poursuit cette exploration, en s’intéressant cette fois-ci à la question du retour et de la réparation.

« Dahomey » : une œuvre hybride et polyphonique 

Le film de Mati Diop se distingue par sa forme hybride, mêlant documentaire et fiction. La réalisatrice donne la parole à différents acteurs de cette histoire : historiens, conservateurs, artistes, étudiants… Cette polyphonie permet de saisir la complexité des enjeux liés à la restitution et à la réappropriation du patrimoine.

Comment le film Dahomey de mati Diop contribue-t-il à la réécriture de l’histoire ?

Le film « Dahomey » de Mati Diop, en abordant la question de la restitution des œuvres d’art africaines, contribue de manière significative à la réécriture de l’histoire en proposant une nouvelle narration, centrée sur les voix et les perspectives africaines. Voici comment :

1. Invertion du regard:

Décolonisation du récit: En plaçant au cœur du récit la restitution des objets et les réactions des populations africaines, Diop inverse le regard traditionnellement porté sur ces événements. Ce n’est plus l’histoire du colonisateur triomphant qui est racontée, mais celle d’un peuple spolié retrouvant une partie de son patrimoine.

Redonner vie aux objets: En humanisant les objets, en leur donnant une voix, le film les transforme en acteurs à part entière de l’histoire. Ils ne sont plus de simples artefacts mais des témoins silencieux d’une culture et d’une identité.

2. Réhabilitation des cultures africaines:

Valorisation du patrimoine: En montrant la richesse et la complexité des cultures africaines à travers ces objets, le film contribue à réhabiliter une image souvent dégradée par le discours colonial.

Déconstruction des stéréotypes: Diop déconstruit les stéréotypes associés à l’Afrique, en montrant une société organisée, dotée d’une culture riche et d’une histoire millénaire.

3. Questionnement de la notion de patrimoine:

Redéfinition du patrimoine: Le film nous invite à repenser la notion de patrimoine. Ce n’est plus seulement un ensemble d’objets conservés dans des musées, mais une histoire vivante, transmise de génération en génération.

Lien entre passé et présent: En montrant comment ces objets résonnent encore aujourd’hui dans les communautés africaines, Diop souligne l’importance de préserver ce lien entre le passé et le présent.

4. Réaffirmation des identités africaines:

Renforcement du sentiment d’appartenance: En redonnant aux Africains une partie de leur histoire, le film contribue à renforcer leur sentiment d’appartenance à une culture et à une identité.

Résistance à l’oubli: En filmant cet événement historique, Diop s’inscrit dans une démarche de résistance à l’oubli et de transmission de la mémoire. En s’adressant aux jeunes générations, Mati Diop souligne l’importance de transmettre la mémoire et de lutter contre l’oubli.

5. Invitation au dialogue et à la réflexion:

Débat sur la restitution: Le film ouvre un débat sur les enjeux de la restitution, sur les modalités de retour des œuvres d’art et sur leur intégration dans les sociétés africaines.

Réflexion sur le colonialisme: En mettant en lumière les conséquences du colonialisme, le film invite à une réflexion critique sur ce passé et sur ses héritages

un film essentiel pour comprendre notre époque

« Dahomey » est bien plus qu’un simple film sur la restitution d’œuvres d’art. C’est une réflexion profonde sur les enjeux de la décolonisation, de la mémoire et de l’identité. En offrant un regard sensible et poétique sur cette question, Mati Diop nous invite à repenser notre rapport au passé et à construire un avenir plus juste et équitable.

Samira Mafo
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